Maître Raphaël Moreno
Avocat à Paris 1

Loi « anti-squat » : La protection des logements contre l’occupation illicite


La loi du 27 juillet 2023 (N° 2023-608, 27 juillet 2023, JO 28 juillet) est une loi instituant une répression accrue du squat et une protection renforcée des propriétaires.  En effet, la loi dite « anti-squat » visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, réprime plus fortement le squat (1), avant de sécuriser davantage les rapports locatifs (2), mais également et d’une manière marginale, de renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté (3) et enfin, de prévoir une procédure spécifique permettant d’évacuation des logements squattés (4).

I. Comment la loi nouvelle organise-t-elle la répression accrue du squat ?

La lutte contre le squat est organisée par la loi nouvelle en créant deux nouvelles incriminations d’une première part, en durcissant les sanctions d’une deuxième part et, enfin, en élargissant la notion de squat.

A. La création de deux nouvelles infractions

Les deux nouveaux délits créés par la loi nouvelle portent successivement sur les deux étapes caractérisant le squat : 

marteau juge
  1. Dans la première infraction (article 315-1 du Code pénal) le squat est défini comme « l’introduction dans un local d’habitation … à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, …».
    Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 € d’amende.
    Le maintien dans le local d’habitation suite à cette introduction est puni de mêmes peines.

 

  1. La deuxième infraction (article 315-2 du Code pénal) créée, vise « le maintien sans droit ni titre dans un local d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois ».
    Ce délit concerne aussi bien les squatteurs que les locataires défaillants
    Cette infraction est passible d’une amende de 7.500 €.

B. Le durcissement des sanctions en cas d’occupation illicite d’un domicile

La « notion de domicile » est élargie tout en durcissant les peines encourues.

1. La notion de domicile

porte logement parisien

Le domicile d’une personne est défini comme étant « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non » ;

Les résidences secondaires sont donc également protégées par la loi nouvelle.

2. Les peines encourues

L’occupation illicite d’un domicile est punie d’une peine de trois ans de prison et de 45.000 € d’amende.

La « propagande ou la publicité », promouvant le squat est passible d’une amende de 3.750 € (Article 226-4-2-1 du Code pénal).

Le fait pour une personne de faciliter l’occupation illicite par un tiers d’un bien immobilier appartenant à autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende (Article 313-6-1 du Code pénal).

Sont visées ici les occupations à la suite « d’usurpation de l’identité » d’un propriétaire.

Les sanctions prévues par la loi « anti-squat » sont donc clairement plus lourdes.

C. L’élargissement de la notion de squat

  1. La loi nouvelle élargit l’application de la notion de squat en l’étendant aux « locaux à usage commercial, agricole ou professionnel »

Auparavant la notion de squat était appliquée aux seuls « locaux d’habitation » constituant un « domicile ». Désormais donc l’occupation illicite peut concerner tous les locaux immobiliers.

  1. Cet élargissement s’applique également à tout « local d’habitation », dès lors qu’il est indifférent que le propriétaire habite ou non ce local et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non.

II. Quel dispositif la loi « anti-squat » met-elle en place pour sécuriser les rapports locatifs ?

A. La loi « anti-squat » instaure l’« obligation » d’insérer une « clause résolutoire » dans les contrats de bail d’habitation pour « défaut de paiement ».

Dorénavant, (Article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) « I. Tout contrat de bail d'habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges … ».

 

Cette clause vise à uniformiser et sécuriser davantage les baux d’habitation.

B. Les délais de procédure

Le mot d’ordre ici est la « réduction » des délais.

  1. Désormais, le locataire n’a plus que six semaines pour payer sa dette locative après la réception d’un commandement de payer visant une clause exécutoire.
    Ce délai est passé de deux mois à six semaines.
  2. L’« assignation aux fins de constat de la résiliation du bail » doit être notifiée au représentant de l’État à la diligence du commissaire de justice au moins six semaines avant l’audience.
  3. Le délai de deux mois entre l’envoi du commandement et l’expulsion ne s’applique pas en cas « de mauvaise foi de la personne expulsée ou que [celle -ci est entrée] dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».

 

Ce délai est laissé à l’appréciation du juge qui a ordonné l’expulsion.

quais parisiens

C. L’octroi des délais de paiement par le juge

Le juge accordera des délais de paiement si le locataire est en en mesure de régler sa dette et s’il a repris le versement total du loyer courant avant a date de l’audience.

Le juge peut accorder ces délais à la demande du locataire, du bailleur, ou d’office.

 

Par ailleurs, l’octroi de délais de paiement n’implique plus désormais la suspension automatique des effets de la clause résolutoire. C’est au juge ayant accordé ces délais de prononcer la suspension à la demande du locataire, à condition que celui-ci ait, avant l’audience, repris le versement intégral du loyer en cours (Article 24, VII de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).

D. Les délais de grâce que le juge peut accorder ne peuvent bénéficier aux locataires de mauvaise foi expulsés ou qu’ils sont entrés dans les locaux « à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».

De plus, la durée des délais ne peut être inférieure à un mois, ni supérieure à un an.

Ces délais étaient auparavant de trois mois et de trois ans.

E. L’exclusion de la « trêve hivernale »

La trêve hivernale est exclue (Article L. 412-6 du Code des procédures d’exécution) lorsque l’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui « à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».

III. L’accompagnement des locataires en difficulté reste la portion congrue de la loi « anti-squat »

Cet accompagnement est assuré par le renforcement des missions de la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), prévue par l’article 7-2 de la loi dite du « droit au logement » datant de 1990.

IV. La procédure permettant d’évacuation du logement squatté

Le propriétaire du local occupé doit successivement :

  • Déposer plainte ;
  • Apporter la preuve que le logement occupé illicitement constitue son domicile ou sa propriété ;
  • Faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire (le maire de la commune ou un commissaire de justice [anciennement huissier de justice].
  • Demander au représentant de l’État dans le département de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux.
immeubles parisiens

La « mise en demeure » faite par le représentant de l’État doit être prise en « considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant ».

Le délai d’exécution de la mise en demeure ne saurait être inférieur à 24 heures. Délai porté à 7 jours lorsque le local occupé illicitement ne constitue pas le domicile du demandeur.

En cas de contestation par le dépôt d’une « requête en référé », l’exécution de la décision du représentant de l’État est suspendue.

En cas de difficulté pour établir la preuve de son « droit en raison de l’occupation », l’Administration fiscale pourra établir ce droit à la demande du représentant de l’État.

Enfin, lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le représentant de l'État dans le département doit procéder sans délai àl'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande.

(Article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 – Loi instituant le droit au logement opposable)

Conclusion

La loi nouvelle renforce les droits du propriétaire par la création de nouvelles sanctions plus lourdes contre l’occupation illicite des logements, par une résiliation du bail d’habitation plus simple en cas des loyers impayés, ainsi que par l’octroi de nouveaux délais de procédure plus favorables aux propriétaires.

 

Si ces nouvelles dispositions semblent répondre plus favorablement aux attentes des propriétaires, elles n’attendront leurs objectifs que si les délais d’audiencement des procédures sont réduits à l’avenir d’une part, que si les réclamations des propriétaires sont entièrement accueillies par les tribunaux d’autre part et, que si le concours de la force publique afin d’exécuter les mesures d’expulsion est effectif.

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