Maître Raphaël Moreno
Avocat à Paris 1

Urbanisme : Le sort des refus abusifs de permis de construire


Le juge administratif peut-il ordonner à l’autorité publique de délivrer un permis de construire ?

La question des refus abusifs d’autorisations d’urbanisme se soldait jusqu’à récemment pour le juge administratif  par l’annulation pure et simple des refus. Pour la personne publique ces refus impliquaient souvent le réexamen de la demande d’autorisation.

Le pétitionnaire ne pouvait en aucun cas obtenir une injonction adressée à l’autorité publique et ses conclusions d’injonction étaient systématiquement rejetées.

Une telle situation appartient désormais au passé.

 

En effet, le Conseil d’État a, par un avis du 25 mai 2018, n° 417350, répondu affirmativement à cette question, marquant une rupture avec les solutions antérieures en matière de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable.

Le principe

Désormais, précise le Conseil d’État, lorsque le juge administratif annule un refus d’autorisation d’urbanisme ou une opposition à déclaration préalable, il doit adresser une injonction à la personne publique de délivrer l’autorisation d’urbanisme au pétitionnaire.

 

Cette position du Conseil d’État s’inscrit dans cadre de l’article L.424-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (dite loi Macron).

 

Il précise que :

« lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. »

Cet avis du Conseil d’Etat est d’une importance capitale car il sécurise les conséquences juridiques d’une annulation d’un refus d’autorisation d’urbanisme.

 

Allant plus loin de cette position de principe, l’avis du Conseil d’État opère plus largement une hiérarchisation des pouvoirs d’injonction du juge administratif.

Le choix du juge administratif

En principe, le juge administratif peut ordonner à l’autorité administrative, soit de délivrer l’autorisation d’urbanisme, soit de réexaminer la demande

 

Mais « il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. »

L’exception

Par ailleurs, le juge administratif n’ordonnera pas à la personne publique de délivrer l’autorisation initialement refusée que dans deux cas : (1) en raison d’un changement de circonstances faisant obstacle, à la date du jugement, à la délivrance de l’autorisation ou,  (2) si un autre motif valable aurait pu justifier le refus.

 

« Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 citées au point 2 demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt. »

La fin de la réitération de la demande d’autorisation d’urbanisme

Dès lors que le juge décide d’annuler le refus d’autorisation d’urbanisme et qu’il enjoint à l’administration de délivrer l’autorisation administrative, le pétitionnaire n’a plus à réitérer sa demande d’autorisation.

 

Les dispositions de l’article L.600-2 du code de l’Urbanisme ne trouvent donc plus à s’appliquer dans ce cas de figure.

 

L’avis du Conseil d’Etat est très clair :

« Lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol, fait droit à des conclusions aux fins d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ces conclusions du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale. Par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande ou la déclaration soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée. »

Quid de l’annulation du jugement ayant ordonné de délivrer l’autorisation demandée ?

Le Conseil d’Etat estime, dans une telle hypothèse, que l’autorité publique peut retirer l’autorisation accordée par l’effet de l’injonction dans un délai raisonnable ne pouvant excéder trois mois suivant la notification à l’autorité publique de la décision juridictionnelle, à condition d’avoir préalablement invité le pétitionnaire à présenter ses observations.

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